Sobriété numérique : repenser nos usages pour un numérique bas carbone
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Sobriété numérique : repenser nos usages pour un numérique bas carbone

Comprendre la sobriété numérique : un enjeu crucial pour réduire l’empreinte carbone du numérique

À l’heure où le numérique occupe une place centrale dans nos vies personnelles et professionnelles, une question environnementale majeure émerge : celle de son impact écologique. La sobriété numérique s’impose donc comme un levier incontournable pour allier transition énergétique et usages responsables du numérique. Il s’agit de repenser nos pratiques digitales dans une logique de réduction de leur empreinte carbone et de préservation des ressources naturelles.

Souvent perçu comme immatériel, le numérique repose pourtant sur une infrastructure physique complexe : data centers, réseaux de communication, terminaux numériques (smartphones, ordinateurs, objets connectés, box Internet, etc.). La fabrication, l’utilisation et la fin de vie de ces équipements génèrent des émissions de gaz à effet de serre (GES) significatives, sans compter l’extraction des matières premières rares et les déchets électroniques.

Empreinte carbone du numérique : une réalité souvent ignorée

Selon le rapport du Shift Project, le numérique représente aujourd’hui environ 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit davantage que l’aviation civile mondiale. Et cette part pourrait doubler d’ici 2025 si aucun changement profond ne s’opère dans nos usages numériques. Cette croissance repose principalement sur le streaming vidéo, les réseaux sociaux, le télétravail et le cloud computing, tous très énergivores.

Les principales sources d’émissions carbone liées au numérique sont :

  • La fabrication des équipements : Smartphones, ordinateurs portables, écrans plats et autres périphériques consomment une quantité importante d’énergie grise, liée à l’extraction des matériaux et à l’assemblage des composants dans des usines souvent situées à l’étranger.
  • Les centres de données (data centers) : Ils hébergent des millions de serveurs, ont besoin d’un refroidissement constant et fonctionnent 24 heures sur 24, entraînant une consommation électrique massive.
  • Les réseaux de télécommunications : La 4G, la 5G, le Wi-Fi et les infrastructures câblées nécessitent une quantité considérable d’énergie pour assurer la transmission des données.

Qu’est-ce que la sobriété numérique ? Définition et principes

La sobriété numérique vise à repenser l’usage des outils numériques pour en limiter l’impact environnemental, tout en préservant les bénéfices qu’ils apportent. Elle s’appuie sur trois principes fondamentaux :

  • Réduire : Limiter les usages inutiles, les achats fréquents de matériel neuf, et éviter le renouvellement systématique des terminaux électroniques.
  • Optimiser : Favoriser l’efficacité énergétique des équipements, utiliser des logiciels sobres en ressources, et ajuster les pratiques selon la nature du besoin (télécharger une vidéo au lieu de streamer, utiliser un moteur de recherche éco-conçu).
  • Allonger : Allonger la durée de vie des équipements numériques par la réparation, la réutilisation ou le reconditionnement.

Actions concrètes pour adopter une consommation numérique plus responsable

La mise en œuvre d’une sobriété numérique peut s’accompagner de gestes simples, mais efficaces pour réduire sa consommation d’énergie et diminuer son empreinte carbone numérique :

  • Éviter le suréquipement : Demander si l’achat d’un nouveau smartphone ou d’un ordinateur est vraiment nécessaire.
  • Favoriser le matériel reconditionné : De nombreux distributeurs proposent aujourd’hui des appareils électroniques reconditionnés, limitant ainsi la production de biens neufs.
  • Optimiser le stockage de données : Nettoyer régulièrement ses fichiers numériques, emails, et limiter l’usage du cloud non essentiel.
  • Diminuer la consommation de vidéos en ligne : Réduire la résolution de lecture, privilégier l’audio ou le téléchargement plutôt que le streaming en continu.
  • Privilégier les moteurs de recherche et services éco-responsables : Certains moteurs de recherche, comme Ecosia ou Lilo, financent des projets environnementaux.
  • Éteindre les appareils inutilisés : Ne pas laisser les box Internet, imprimantes ou ordinateurs allumés inutilement, notamment la nuit.

Entreprises et collectivités face à la transition numérique durable

La prise en compte de la sobriété numérique ne peut reposer uniquement sur les citoyens. Les entreprises, les administrations publiques et les collectivités ont également un rôle majeur à jouer. Elles doivent intégrer des stratégies de numérique responsable dans leur politique d’achat, leur infrastructure informatique et leurs usages professionnels.

Plusieurs leviers peuvent être actionnés :

  • Adopter des démarches Green IT : Réduire l’empreinte carbone des systèmes d’information en rationalisant les infrastructures et en choisissant des serveurs plus performants énergétiquement.
  • Sensibiliser les salariés ou les agents : Mettre en place des programmes de formation aux bonnes pratiques numériques.
  • Allonger la durée de vie du parc informatique : Centraliser les mises à jour, favoriser le réemploi interne ou externe d’équipements usagés.
  • Mesurer les impacts numériques : Utiliser des outils d’analyse et de calcul d’empreinte carbone pour évaluer et piloter les consommations numériques au sein de leurs organisations.

Le cadre réglementaire encourageant la sobriété numérique

La législation évolue progressivement pour structurer et encourager des usages numériques plus responsables. En France, la loi REEN (Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique) votée en 2021 impose notamment aux collectivités territoriales la mise en œuvre d’une stratégie numérique responsable, incluant un plan d’action sur la sobriété numérique.

Par ailleurs, la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC) incite au réemploi, à l’écoconception et à la lutte contre l’obsolescence programmée. L’Europe s’inscrit également dans cette dynamique avec le Pacte Vert pour l’Europe, qui englobe le numérique parmi les secteurs ciblés pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Sensibilisation et éducation : clés d’une transformation numérique plus sobre

Pour initier une véritable transformation des usages, les démarches techniques doivent être accompagnées d’un effort de sensibilisation. L’éducation à la sobriété numérique passe par une meilleure compréhension des impacts environnementaux cachés derrière les usages quotidiens. Elle concerne aussi bien les jeunes générations que les professionnels, les enseignants ou les décideurs publics.

Intégrer la sobriété numérique dans les programmes scolaires, instaurer des campagnes de sensibilisation dans les entreprises, ou encore encourager les médias à aborder ces thématiques sont autant d’initiatives qui peuvent catalyser le changement.

Vers un numérique bas carbone : une nécessité pour une transition écologique réussie

La sobriété numérique ne signifie pas renoncer aux technologies mais en faire un usage éclairé. Réduire l’empreinte carbone du numérique est un impératif pour atteindre nos objectifs climatiques. Il ne s’agit donc pas d’un retour en arrière, mais d’un progrès : celui d’une transition énergétique et écologique pensée de manière globale et cohérente.

Réaliser un numérique bas carbone suppose un changement culturel, une évolution technologique vers des équipements plus sobres, mais aussi une volonté politique d’encourager et d’accompagner cette mutation. À nous tous, citoyens, entreprises, institutions, de faire les choix qui rendront possible un numérique vraiment durable.